La théorie déclare que le VIS (Virus de l’Immunodéficience Simienne), un virus naturellement porté par les chimpanzés sans symptômes de maladie, a été transmis involontairement à l’homme, par le biais de vaccins anti-polio contaminés, cultivés sur des reins de chimpanzés. Une fois installé chez son nouvel hôte, le virus a muté pour devenir le VIH (Virus de l’Immunodéficience Humaine) ayant un effet dévastateur : 50 millions de personnes infectées actuellement, dont la majorité en Afrique. La corrélation frappante entre les premiers cas de SIDA en Afrique et les sites d’essais du VPO dans l’ex-Congo Belge entre 1957 et 1960 a été le fait déclencheur d’une telle explication.
La plupart des scientifiques sont à présent convaincus que le VIH de l’homme provient du VIS du chimpanzé. La façon dont il a été acquis est le sujet de la polémique : accidentelle ou iatrogène (provoqué par les actes médicaux.) On affirme que le VPO aurait pu être la source de l’infection uniquement dans le cas où le vaccin aurait été préparé sur la base de tissus de chimpanzés - et les scientifiques à l’origine du vaccin nient très fermement ce point crucial.
Le Professeur Hillary Koprowski et le Docteur Stanley Plotkin ont très fortement critiqué une telle accusation et brandirent des déclarations sous serment d’anciens collaborateurs niant catégoriquement l’utilisation de reins de chimpanzés dans la fabrication de leur vaccin.
Edward Hooper, journaliste d’investigation et scientifique autodidacte, est le défenseur principal de cette thèse sur laquelle il a enquêté au cours des dix dernières années et qu’il présente dans son livre "The River : A Journey to the Source of HIV and AIDS" ("La Rivière : Retour aux Sources du VIH et du SIDA"). Il affirme que des tissus chimpanzés ont été utilisés et qu’il dispose de preuves oculaires. Il a également fourni des déclarations signées de la part d’anciens travailleurs de la santé impliqués dans le projet, dont une provenant du même vétérinaire belge cité par Plotkin, citant des "propositions fâcheuses" faites à d’anciens collègues leur demandant de "signer des lettres qui changeraient le contenu ou la force de leur précédent témoignage." On pourrait bien ne jamais sortir de cette impasse délicate.
Indice flagrant
De nombreux scientifiques présents à la réunion pensent que les preuves infirmant la thèse du VPO suffisent à la mettre de côté, parmi elles : les techniques de datation génétique qui suggèrent que le VIH a fait son apparition avant les essais du VPO ce qui exclut donc leur responsabilité.
Hooper n’accepte pas cette conclusion soutenant que ces données pourraient également être interprétées comme un soutien à cette théorie. Récemment, il a également recueilli ce qu’il nomme un "indice flagrant" : des témoignages rapportant l’utilisation de reins de chimpanzés par Koprowski mais précisant que cela devait rester secret. Ces récentes révélations assurent que l’affaire n’est pas résolue et garantissent de nouvelles recherches. Elles sont justifiées en raison des implications, qui, si la théorie est correcte, sont énormes : que la science médicale ait pu déclencher involontairement la pandémie mondiale du SIDA : une accusation qui ne doit pas être portée ou prise à la légère.
Si les chimpanzés nous ont transmis le virus du SIDA, c’est sans aucun doute à travers leur exploitation par l’homme : soit en les mangeant, en les possédant comme animaux de compagnie, en les utilisant comme matériel de laboratoire ou même en les piégeant, soit en les tuant dans le cadre de chasses sauvages. Le consensus de la conférence souhaitait que l’on remplace le terme "chasseur blessé" par "transfert naturel" pour donner une meilleure idée des scénarios ayant permis la transmission dans la théorie dominante et à laquelle la majorité des scientifiques adhèrent.
En réalité, les nombreuses possibilités permettant au transfert naturel d’avoir lieu sont actuellement très alarmantes car on a récemment découvert que les chimpanzés et les gorilles hébergeaient des virus de l’herpès, auparavant inconnus, très voisins du virus humain à l’origine du Sarcome de Kaposi, un type de tumeur cutanée, chez l’homme.
Avec l’expansion de l’exploitation du bois de construction à de nouvelles zones de la forêt d’Afrique de l’Ouest, les bûcherons, constructeurs routiers et d’autres ont commencé à consommer la "viande de brousse " locale, y compris des primates. Ce fait pouvant être la cause d’une nouvelle "zoonose" (maladie de transmise à l’homme par un animal), il représente une menace sérieuse.
Un déclenchement différent ?
On a exposé une autre théorie, extrêmement plausible, au cours de cette conférence et elle mérite une attention particulière. L’idée étant que l’utilisation massive d’aiguilles non-stérilisées en médecine africaine au cours du vingtième siècle est responsable d’avoir transmis le virus d’un individu infecté à de nombreuses personnes, donnant l’occasion au virus de se fortifier. C’est un processus connu pour se produire avec de nombreux agents pathogènes, comme dans le cas de l’hépatite C par exemple, qui s’est propagée par le biais d’aiguilles non-stérilisées en Egypte dans les années 1950.
Les nombreuses campagnes de vaccination en Afrique sont un phénomène distinctif du vingtième siècle suffisant à expliquer pourquoi l’épidémie s’est répandue à cette époque et non auparavant, étant donné que les humains sont en contact avec des chimpanzés infectés depuis des siècles. Un mécanisme de déclenchement distinctif manque à la théorie du transfert naturel, dont le postulat de départ est que l’augmentation des voyages au vingtième siècle aurait permis au virus de prendre des proportions épidémiques. Cependant, cette théorie est peu satisfaisante au regard de la traite des esclaves, des différentes guerres et des perturbations coloniales en Afrique à travers les siècles, ce qui impliquait d’importants mouvements de population toutefois insuffisants pour déclencher une épidémie : nous n’avons pas besoin d’une explication qui dénonce un phénomène particulier du vingtième siècle comme coupable.
Si le virus était plus facilement transmissible - c’est-à-dire par le biais de micro-gouttes dans l’air (virus aéroporté, N.d.T.), comme le virus du rhume ou de la grippe, une épidémie pourrait être spontanée et il serait inutile d’évoquer un quelconque déclencheur. L’ESB, d’autre part, n’est pas assez contagieuse pour provoquer une épidémie sans assistance. On a identifié celle-ci : le recyclage cannibale de matière animale infectée en alimentation d’un bétail naturellement herbivore.
L’un des éminents scientifiques présents à la conférence, le Professeur Albert Osterhaus, a présenté un exposé glacial concernant des maladies virales émergeant depuis peu chez l’homme et chez d’autres animaux ; affirmant qu’elles sont toutes devenues virulentes après avoir passé la barrière des l’espèces. Il a souligné que les plus importantes causes de mortalité du siècle dernier ont été le SIDA et 3 épidémies majeures de grippe, qui, selon lui, ont toutes été transmises par des animaux.
Reconnaître les erreurs
Qu’ils aient raison ou tort, les partisans de la thèse iatrogène au sujet de l’origine du SIDA, particulièrement de la thèse du VPO, ont une sérieuse mise au point à effectuer concernant la conduite de la science et sa réticence à admettre la possibilité d’erreurs, bien que totalement involontaires. Établir la cause de l’épidémie du SIDA n’est pas un simple exercice académique : cela pourrait avoir des implications concernant le traitement ou l’endiguement de la maladie et cela permettrait certainement d’éviter des catastrophes semblables à l’avenir. Nous en avons connu énormément dans le passé, y compris la contamination des vaccins anti-fièvre jaune par l’hépatite B et l’infection de millions de gens, par le biais des vaccins anti-polio, par le SV40, un virus simien, qui comme le suggèrent les preuves, a des effets carcinogènes chez l’homme.
Par conséquent, il est inquiétant que des scientifiques et des journalistes, y compris Andrew Tyler (journaliste pour Fleet Street pendant de nombreuses années avant de devenir Directeur d’Animal Aid) ayant écrit sur cette thèse au cours de la dernière décennie aient été censurés et ridiculisés.
Le fait que cette conférence ait eu lieu, en dépit des tentatives de sabotage, est un signe positif démontrant que certains scientifiques sont prêts à faire face à d’éventuelles vérités dérangeantes, alors que d’autres ne le sont pas.
On a honoré et loué Koprowski pour ce que la communauté scientifique considère comme son rôle dans l’éradication de la polio et il souhaite clairement ne pas ajouter la mention " père du SIDA " à son CV. Son attitude offensante envers les non-scientifiques et leurs " affabulations irresponsables " n’arrange rien pour lui.
La science doit faire preuve d’intégrité ou, selon le renommé Professeur Bill Hamilton, co-organisateur de la conférence, " le public aura raison d’être déçu par la science. "
À un cheveu près
Quelle que soit la réalité de cette controverse, la conférence de la Royal Society a pu conclure, catégoriquement, qu’injecter une quelconque matière animale à l’humain était "incroyablement dangereux", que nous devrions être plus prudents par rapport à ce genre de pratiques et que même si nous n’avons pas provoqué l’épidémie du SIDA chez l’homme, "tout s’est joué à un cheveu près."
Le message à en retirer est clair : tous les vaccins et autres produits biologiques à usage humain devraient être cultivés sur des tissus humains plutôt qu’animaux. Nous ne devrions pas utiliser les animaux comme des "réacteurs vivants" et les risques éventuels de la xénogreffe sont si importants qu’on ne devrait jamais y recourir.
Ma propre conclusion est la suivante : tant que nous aurons des contacts intimes avec les animaux, nous continuerons d’attraper des maladies mortelles venant d’eux, que ce soit en les élevant, en les mangeant, en les chassant, en les utilisant comme des spécimens de laboratoire ou en les commercialisant et même en les ayant pour animaux familiers. Toutes ces relations sont une forme d’exploitation et le terme "anthropique" (c’est-à-dire provoqué par l’humain) semble plus approprié qu’ "iatrogène", ce qui signifie que par l’exploitation d’autres espèces, nous provoquons souvent des maladies chez l’homme.